Il existe un paradoxe lorsqu’on parle de perroquets en captivité. Ce sont des animaux d’une grande intelligence, d’une sensibilité fine, profondément sociaux, et surtout, des animaux sauvages — non domestiqués. Contrairement aux espèces qui ont évolué aux côtés de l’humain, les perroquets n’ont pas été sélectionnés pour la vie domestique. Leur cognition, leurs instincts, leur organisation sociale et leurs besoins écologiques sont ceux d’êtres faits pour le vol, l’exploration et la vie en groupe.
Pourtant, nous les retrouvons dans nos maisons, nos pièces, nos cages.
Ce phénomène n’est pas entièrement nouveau. Dans l’Antiquité déjà, des perroquets circulaient dans les cours gréco-romaines, appréciés pour leur faculté d’imitation, le perroquet captif fait partie de l'histoire, mais là n'est pas l'objectif de ce texte. La captivité moderne, structurée et commercialisée, est plus récente :
1975 : Création de la CITES (encadrement du commerce des espèces menacées).
1992 : Wild Bird Conservation Act (USA) → interdiction d’importer des perroquets capturés dans la nature.
2005–2007 : Interdiction dans l'Union européenne d’importer des oiseaux sauvages vivants.
Depuis, le marché s’est simplement déplacé vers l’élevage.
L’oiseau reste un animal sauvage placé dans un contexte domestique.
Mes deux premiers oiseaux viennent d’un élevage. À cette époque, je croyais que l’intention, l'amour et les bons soins suffisaient. Puis, en côtoyant des élevages, des abandons, des foyers multiples, des oisillons séparés trop tôt, et en collaborant avec Mhoogie Bird, j’ai constaté la contradiction : un perroquet peut être affectueux envers nous, tout en étant privé de ce dont il a profondément besoin.
Aujourd’hui, les oiseaux qui vivent chez moi sont là parce qu’ils existent déjà dans cette réalité, pas parque j'ai acheté des bébés, ça je ne le ferais plus.
Mais attention, je ne prétends pas offrir « la perfection » , elle n’existe pas en captivité.
Des pratiques plus réfléchies existent, mais elles ne représentent pas la norme
Dans certains milieux, notamment en Europe, on valorise des conditions plus près des besoins naturels : volières extérieures, groupes sociaux, vols libres supervisés. Ces initiatives existent et méritent d'être reconnues.
Cependant, elles ne reflètent pas la réalité majoritaire.
À l’échelle mondiale, ce que l’on observe le plus, ce sont des oiseaux :
isolés socialement
limités dans leur capacité à voler
placés dans des environnements pauvres en stimulation
développant détresse, automutilation ou agressivité
ou se retrouvant en adoption, parfois plusieurs fois
Ce n’est pas une critique des personnes.
C’est un constat structurel partagé par refuges, vétérinaires aviaires, réhabilitateurs et chercheurs.
La reproduction et la question de l’avenir
La majorité des perroquets nous survivent — parfois de plusieurs décennies.
Reproduire un perroquet en captivité signifie déléguer son avenir à des mains inconnues, dans un monde où l’abandon et la mauvaise détention sont statistiquement les trajectoires les plus fréquentes.
Cela vaut autant pour les grandes espèces (aras, cacatoès) que pour les espèces dites « faciles », comme les conures à joues vertes, qui sont produites en centaines de milliers chaque année dans le monde.
À propos de la zoothérapie et de l’utilisation des perroquets comme outils
Pour moi, on ne peut pas être contre la captivité tout en utilisant les perroquets comme instruments thérapeutiques.
Cela reviendrait à considérer l’oiseau comme un moyen d’atteindre un résultat humain.
J'ai partagé un texte sur le sujet : https://www.facebook.com/share/p/1ChMFEpgfb/
Sur un autre sujet, on entend souvent qu’avant d’adopter un perroquet de seconde main, il faudrait commencer avec un oisillon « sain », « sans passé », afin « d’apprendre » et d’acquérir de l’expérience.
Pour moi, cette idée est problématique, parce qu’elle revient à créer volontairement une nouvelle vie captive pour compenser un manque de connaissances humaines. On ne répond pas à une difficulté d’adaptation en produisant un nouvel individu ; on répond à une difficulté en s’outillant soi-même.
Les ressources pour apprendre existent déjà, et elles sont nombreuses : formations, accompagnement professionnel, éducateurs aviaires, guides sur le comportement et l’éthologie, réseaux de soutien, centres spécialisés.
Et contrairement à ce que l’on croit souvent, les perroquets de seconde main ne sont pas tous traumatisés ou « brisés ». Certains sont stables, curieux, équilibrés et capables de créer des liens riches et fiables.
D’autres portent effectivement des blessures, mais il existe des approches, des outils et des pratiques qui permettent de les accompagner avec respect.
L’enjeu ne devrait jamais être de trouver « l’oiseau le plus facile ». L’enjeu est de former l’humain, de lui donner les connaissances, la patience, la compréhension et les repères nécessaires pour offrir à l’oiseau — peu importe son histoire — une vie plus cohérente, plus stable et plus respectueuse.
Ce n’est pas l’oiseau qui doit être façonné pour s’adapter à nous.
C’est nous qui devons apprendre à rencontrer l’oiseau là où il est.
Ma position
Avec l’expérience, l’observation, et mon implication, après avoir assisté à deux sommets sur la crise mondial des perroquets avec l’International Alliance for the Protection of Parrots, ma position est devenue claire :
Je pense que les perroquets devraient vivre dans leur environnement naturel, et je ne soutiens ni la reproduction ni l’achat. Il faut protéger leur habitat naturel et non pas encourager la reproduction.
Il ne s’agit pas de dire aux gens de se séparer de leurs oiseaux ni de prêcher la culpabilité.
Les oiseaux déjà présents méritent stabilité, attention et engagement.
Nous faisons tous avec nos limites, et avec les conditions de vie que nous sommes en mesure d’offrir. Ce que je refuse d’encourager, c’est la production de nouveaux oiseaux.
Mon engagement se situe dans l’accompagnement des oiseaux déjà captifs, en cherchant continuellement à améliorer leurs conditions, à reconnaître leurs besoins, et à respecter ce qu’ils sont, des êtres libres dont la captivité ne cessera jamais d’être un compromis.
Ce texte exprime ma position personnelle, basée sur mon expérience et mes observations. Il ne cherche pas à convaincre, mais simplement à partager un point de vue et nourrir la réflexion.
© Catherine Baribeau – Le Perroquet Informateur