Une morsure de perroquet, c’est souvent bien plus qu’un simple geste agressif. C’est une communication. C’est une réponse. Et trop souvent, c’est un appel qu’on n’a pas su écouter à temps.
Évidemment, lorsqu’un perroquet nous mord, les émotions sont vives : la frustration, la colère, le rejet, parfois même la peur – surtout quand on parle de grandes espèces comme les aras ou les cacatoès. Mais il est essentiel de sortir de l’émotion pour entrer dans la compréhension.
Parce que non, une morsure n’est jamais gratuite. Il y a toujours un contexte.
Et j’ajouterais aussi la morsure comme réponse émotionnelle. Beaucoup de perroquets ayant eu les ailes taillées jeunes semblent plus enclins à pincer. Ça s’explique par le fait qu’ils n’ont pas pu apprendre à réfléchir en vol – un apprentissage crucial pour développer le contrôle de soi. Sans cet apprentissage, certains agissent d’abord… et réfléchissent ensuite. La morsure devient alors une action simple, rapide, accessible, pour reprendre un semblant de contrôle sur leur environnement. Ce n’est pas forcément une attaque contre l’individu qui la reçoit. C’est parfois simplement une façon de gérer une émotion forte.
Chez les perroquets de refuge, il y a aussi une dimension d’apprentissage par répétition. Un oiseau qui a appris que la morsure fonctionne – qu’elle éloigne, qu’elle stoppe une action, qu’elle fait réagir – aura plus facilement recours à ce comportement. C’est une habitude, une stratégie acquise, souvent difficile à désapprendre, surtout si des alternatives n’ont jamais été valorisées.
Il peut s’agir :
d’un dépassement de seuil de tolérance,
d’un signal mal lu ou ignoré,
d’une douleur ou d’un inconfort physique,
d’une situation perçue comme une menace,
ou simplement d’un humain qui est allé trop vite, trop loin, trop brusquement.
Et parfois, c’est aussi un cumul de petites choses. L’oiseau a donné des signes : le regard figé, les plumes qui se hérissent, la respiration plus rapide, les mouvements de recul. Et ces signaux ont été ignorés, ou mal interprétés.
Dans une étude publiée par Seibert et al. (2018), on explique que les morsures chez les psittacidés captifs sont souvent précédées de comportements d’avertissement, et qu’un mauvais timing dans l'interaction humaine est un des déclencheurs les plus fréquents.
Les chercheurs insistent : plus l'humain apprend à observer les signaux subtils, moins les morsures surviennent.
Alors, au lieu de blâmer l’oiseau ou de le catégoriser comme "agressif", il faut se repositionner. Se demander :
Qu’est-ce que j’ai manqué ?
Est-ce que j’ai respecté ses limites ?
Est-ce que mon approche tient compte de son langage corporel ?
Et surtout : si les morsures sont fréquentes, c’est un indicateur clair que quelque chose ne va pas. Ce n’est pas à l’oiseau de s’adapter coûte que coûte. C’est à nous de réévaluer notre manière d’interagir.
Enfin, chaque individu est différent, même au sein d’une même espèce. Un oiseau peut mordre par peur ou stress, quand un autre peut le faire par excitation. L’intensité, la cible (doigt, bras, visage) et la fréquence nous donnent des indices sur le type de message que l’oiseau tente de faire passer. Encore faut-il vouloir l’écouter.
Tout le monde connaît maintenant Alby, le cacatoès des Moluques qui vit avec moi. C’est un oiseau doux, gentil, attachant. Un vrai charmeur. Mais ces dernières semaines, quelque chose a changé.
Alby a commencé à se promener sur le dessus des grandes cages, à explorer les boîtes et à les adopter comme des nids. Il joue, il creuse, il les défend. Et moi, sans m’en rendre compte, je suis entrée dans son territoire… en voulant simplement faire le ménage.
La première morsure, je l’ai reçue à l’épaule. Il m’a surprise en descendant rapidement de la cage. J’ai cru que c’était un jeu.
La deuxième, même chose.
Mais hier, il a foncé droit sur moi pendant que j’étais dans la grande volière. J’ai pensé qu’il venait chercher un contact, peut-être grimper sur mon doigt. Mais non. Il a mordu. Fort. Et cette fois, la douleur m’a prise de court. Et avec elle, une vague de frustration, de tristesse, d’incompréhension.
Mais avec un peu de recul, j’ai compris : ce n’était pas contre moi. C’était pour défendre ce qu’il perçoit comme son espace, son nid. En bougeant ses repères, j’ai involontairement déclenché une réaction de défense.
Ce n’est pas à lui de s’adapter. C’est à moi d’ajuster mon approche. Peut-être le mettre ailleurs pendant que je nettoie. Peut-être modifier l’environnement. Mais surtout : respecter le message qu’il m’a envoyé, même s’il est passé par une morsure.
© Catherine Baribeau – Le Perroquet Informateur